Le corps de l’écriture

Résumé

Cet article est une approche de l’oeuvre Migraciones de Gloria
Gervitz (Mexico 1943) dont la poésie présente une sorte de
dérive qui va d’une écriture du corps au corps même de l’écriture.
Le corps est non seulement un thème récurrent de cette poésie
mais la page même qui l’héberge est configurée comme un corps
qui accompagne celui-ci dans ses inflexions. Le corps exige
d’être traité comme une surface d’inscription, comme une page
et celle-ci —objet prégnant— devient une sorte de peau qui
s’offre simultanément à l’oeil et à la main.
Une révision diachronique des reconfigurations continuelles
que ce vaste poème a eu au long de son histoire, laisse voir
qu’elles ont une incidence non seulement sur la physionomie du
poème, mais aussi sur sa signification. Il en est ainsi parce que,
quelque soit sa modalité, l’écriture implique la modification
d’une superficie lorsque se produit l’incision. L’action de la main
sur le support matériel convertit en lieu signifiant ce qui jusqu’à
maintenant était une simple extension. Ce lieu est la page. Le
poème, alors, ne s’épuise pas dans ce que les mots disent, en
effet le lieu depuis lequel ils le font contribue au sens. L’espace,
alors, ne se limite pas à sa condition de support matériel parce
que, configuré en page, il constitue alors un espace non plus
seulement visible mais encore lisible. Et c’est à ce moment de
l’inscription que la voix du poème devient un corps visible, un
corps figuré.
Nous procèderons selon le test de Rorschach qui consiste à
« trouver » une figure dans une simple tache d’encre sur le papier
—dans notre cas, sans aucune fin psychologique sinon purement
imaginative, dans le sens de créer des images— tout en mettant
en évidence l’étroit lien qui existe, dans la poésie de Gervitz,
entre l’écriture du corps et le corps de l’écriture.